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Notre histoire depuis 1807

Au commencement était la pratique musicale

Imaginons une famille ou des amis qui font de la musique ensemble, peu après 1800, dans une maison bourgeoise de Thalwil ou de Zurich. On y chante, on joue de la harpe ou du piano-forte, entre deux on cause et l’on échange des idées. L’époque est au changement, dans cette Europe dominée par Napoléon, mais aussi en Suisse. De nouvelles visions surgissent, même dans les petits pays, comme en pédagogie, où Johann Heinrich Pestalozzi cherche d’autres manières de former le caractère. Dans la musique, après la mort de Mozart et grâce à des audacieux comme Ludwig van Beethoven, une nouvelle époque s’annonce ; les découvertes seront nombreuses. 

Notre groupe de musiciens compte par exemple un pasteur et sa femme. Né à Zurich en 1776, Jakob Christoph Hug officie depuis 1798 à Thalwil ; sa femme Barbara Schulthess est la nièce de l’épouse de Pestalozzi. En leur compagnie, un jeune exalté, qui joue superbement de la harpe et enchante les dames : Hans Georg Nägeli, né en 1773. Originaire de Wetzikon, il arrive à Zurich en 1790 sans le sou, s’enflamme aussitôt pour la musique et ouvre dès 1791, à l’Augustinergasse, avec l’aide de quelques mécènes, un magasin de musique et une bibliothèque de prêt – la première de son genre en Suisse. 

Mieux encore! Le succès de sa chanson « Freut euch des Lebens » (Jouissez de la vie !), qu’il n’a pas vraiment composée, mais plutôt compilée à partir d’autres morceaux, lui donne des ailes. En 1794, il fonde encore une maison d’édition et a déjà en tête d’ambitieux projets. Pour l’instant, cependant, les guerres napoléoniennes freinent son ardeur ; en 1799, les environs de Zurich sont même le théâtre de combats entre les armées françaises et russo-autrichiennes. 

Après 1800, Nägeli se met à l’œuvre tout bouillonnant de zèle. Bientôt, il peut proposer dans son Répertoire des Clavecinistes de nouvelles sonates de Muzio Clementi et de Ludwig van Beethoven. Son Catalogus neuer Musikalien est un miroir de la musique contemporaine.Son autre série, le Musikalisches Kunstwerk der strengen Schreibart (L’œuvre d’art musicale de style sévère), est la réalisation d’un rêve : en 1801, il publie pour la première fois – en même temps que d’autres éditeurs de Paris, Bonn et Leipzig – le Clavecin bien-tempéré de Johann Sebastian Bach. Cet acte de pionnier est bientôt suivi des Variations Goldberg, de L’Art de la fugue, des six Sonates pour violon seul et des six Trios d’orgue. C’est sur Bach, ce « géant de la musique », comme il l’écrit, que Nägeli veut fonder sa maison d’édition, autrement dit sur un maître qui est déjà bien connu des compositeurs, mais encore mal aimé du grand public, et qu’il faut donc redécouvrir.  

Ces prouesses, qui seront suivies d’autres, valent certes à Nägeli une réputation internationale, mais ne sont guère lucratives, contrairement à la vente de musique imprimée. A cela s’ajoute que Nägeli s’active encore dans d’autres domaines. Ainsi, en 1805, il fonde le Zürcherisches Singinstitut, le premier de la ville, car il milite pour le chant, et en 1810, il publie avec Michael Traugott Pfeiffer une Gesangsbildungslehre nach Pestalozzischen Grundsätzen pädagogisch begründet (Manuel de l’enseignement du chant fondé sur les principes pédagogiques de Pestalozzi), qui connaît un succès immédiat et verra plusieurs éditions. Ces deux actions donneront une impulsion immense à la musique chorale en Suisse – et au-delà – et vaudront à Nägeli le titre mérité de « Sängervater ».

La convention de 1807

Tout cela ne rapporte hélas pas grand-chose – c’est là le talon d’Achille du héros Nägeli. Il est sans cesse en quête de fonds. On peut donc imaginer que lors de notre soirée musicale chez les Hug, Nägeli aura séduit ses partenaires par ses idées et que le pasteur Hug, capable lui aussi de s’enthousiasmer, lui aura offert son soutien financier. 

Nous voici arrivés au véritable début de notre histoire ! De l’argent passa des mains de Hug à celles de Nägeli, mais ne revint pas, ni même les intérêts. Dans une Europe secouée par les guerres et les crises, Hug connut lui-même la gêne. Quand il réclama en vain son argent, il fallut trouver une autre solution. Il n’avait pas l’intention de le priver de son établissement, écrivit le pasteur au musicien, mais il serait nécessaire « d’abandonner quelques trois ans votre direction, sans quoi je ne serai jamais tranquille ni sûr quant à certaines choses ». 

Telle était la proposition écrite, mais les trois ans envisagés passèrent finalement à dix. Le 10 novembre 1807, Nägeli, Jakob Christoph Hug, son frère Caspar Hug et un autre créancier, Melchior Horner, signèrent donc la convention (Traktat) qui est en quelque sorte la charte fondatrice de la maison Hug. Hug et Horner reprenaient l’affaire pour dix ans sous le nom de « Hans Georg Nägeli & Comp. », mais Nägeli n’était plus employé que pour les questions d’édition. Après l’échéance, il avait le choix de racheter son magasin ou de le céder à Hug. 

Ce dernier n’aurait pas demandé mieux que d’en être débarrassé, d’autant plus que les finances restaient précaires, mais 1817 approchait, et Nägeli ne manifestait aucune intention de reprendre son affaire. Bon gré, mal gré, Hug dut obéir à son destin : le magasin de musique continuerait désormais sous la raison sociale de « Hug Frères ». 

Mais le cœur de Jakob Christoph Hug battait toujours pour le pastorat. En 1828, il répondit à un appel de la paroisse de Wetzikon, où il resta jusqu’à sa mort, en 1855. Il fallait donc trouver rapidement un successeur pour l’affaire zurichoise, et que ce soit quelqu’un de doué pour le commerce.

Le drapier marchand de musique

Il trouva la perle rare en la personne de son deuxième fils, nommé lui aussi Jakob Christoph. Né en 1801, celui-ci avait prospéré dans le commerce de drap. Il avait travaillé d’abord en Italie, où il avait également un à-côté comme intermédiaire en cordes et en instruments, et s’était finalement créé une situation en vue à Saint-Pétersbourg. Et voilà que son père lui demandait de reprendre un magasin de musique ! Sans enthousiasme, il répondit : « J’attends tes ordres pour revenir immédiatement à la maison. » Le cœur lourd, il rentra en Suisse. Ce sacrifice et ce sens du devoir allaient être décisifs pour l’avenir de l’entreprise.

Encore insatisfait de son sort, car la situation économique de l’affaire zurichoise lui paraissait trop incertaine, Jakob Christoph junior commença par créer à Lichtensteig, dans le Toggenbourg, une fabrique de papier qui prospéra rapidement. Avec le temps, la double charge s’avéra cependant trop fatigante. Sur le conseil de sa seconde femme, l’avisée Susanna Hug-Wild, il vendit donc sa fabrique de papier pour donner une nouvelle impulsion au magasin de musique. En 1845, le couple revint à Zurich avec son fils de tout juste trois ans, Emil. Jakob Christoph Hug jun. consacra toutes ses forces à développer l’entreprise. En 1846 déjà, on déménageait dans la maison « Zum Sunnezyt », à l’angle des rues Kuttelgasse et Rennweg.

Le climat était favorable. Grâce au chef et compositeur saxon Franz Abt, puis à d’autres musiciens, la vie musicale zurichoise s’épanouissait. De nombreux chœurs avaient vu le jour, qui jouaient un grand rôle dans l’édification du nouvel Etat fédéral suisse dont ils chantaient les idéaux. La maison Hug publiait leurs chansonniers. Un théâtre s’était ouvert. Grâce à sa nouvelle université, Zurich attirait aussi les intellectuels, et ce n’est pas un hasard si Wagner, proscrit et recherché par la police après le putsch manqué de Dresde, y trouva asile en 1849. Il s’y produisit très vite comme chef d’orchestre et sera certainement entré de temps à autre chez Hug. La musique était devenue un sujet de conversation, ce dont l’entreprise profita. Les affaires marchaient si bien qu’en 1849, on put même ouvrir une première succursale à Berne, à la Zibelegässli, mais elle dut être vendue l’année suivante.

C’est que le propriétaire, Jakob Christoph Hug jun., était souffrant. Il mourut en 1852. Comme son fils n’avait que 10 ans, sa femme, Susanna, reprit le magasin et le dirigea avec assurance toute une décennie. Cette « femme intelligente et pleine de caractère, qui s’était déjà initiée à la gestion de l’affaire du vivant de son époux et qui l’avait dirigée ensuite avec une grande énergie et une profonde connaissance du métier », comme le rappelait encore la Neue Zürcher Zeitung en 1909, occupe une place d’honneur dans la chronique familiale.

La grande époque : Emil Hug

En 1862 déjà, Susanna Hug-Wild mourut d’épuisement. Heinrich Müller, qui avait commencé comme apprenti chez Hug, dirigea les affaires jusqu’à ce que l’héritier, Emil, puisse les reprendre. Ce dernier fit encore un apprentissage à Leipzig et ne revint à Zurich qu’en 1864. La suite est une histoire à succès insolite, où Hug profita certainement de l’épanouissement de la vie musicale. Mais il s’avéra aussi être un homme d’affaires extrêmement habile et visionnaire. Dès 1865, par exemple, il acquit la représentation exclusive, pour la Suisse, des pianos Steinway & Sons. Il noua des contacts avec Bechstein, Erard, Pleyel & Wolff, et Blüthner, fondant ainsi une tradition toujours vivante.

La même année 1865, il ouvrit également les premières succursales ayant survécu jusqu’à nos jours, Bâle et Saint-Gall. Les petites agences et dépôts que Hug avait gérés auparavant dans plusieurs villes ne répondaient plus aux exigences. Les clients voulaient être servis plus rapidement. De Bâle, Hug s’étendit en Alsace ; en 1871, une succursale fut ouverte à Strasbourg. Par la suite, des succursales virent le jour à Lucerne, Lugano, Constance, Winterthour et Zurich-Aussersihl.

L’opération la plus heureuse fut cependant la fondation d’une succursale à Leipzig, capitale allemande de l’imprimerie et du commerce d’imprimés. Emil Hug profita ici certainement de ses années d’apprentissage. C’est en 1885 que naquit cette succursale, grâce à laquelle les Editions Hug allaient gagner leur renommée. Elles sortirent en effet du répertoire purement helvétique pour éditer de la musique contemporaine, y compris de la musique légère, mais devinrent surtout le plus grand et le principal éditeur de musique chorale de l’espace germanophone. Hug était en outre un leader par son assortiment de gros et exportait régulièrement jusqu’en Amérique du Sud.

En 1872, la maison Hug quitta le Rennweg et traversa la Limmat pour s’installer au Sonnenquai (actuel Limmatquai), où elle occupa d’abord la maison « zur Laterne » (Limmatquai 26). Suite au développement croissant du commerce de pianos, harmoniums et autres instruments, qui nécessitait beaucoup de place, puis, plus tard, à la vente de nouveaux appareils comme les phonographes et les pianos mécaniques, il fallut s’agrandir.

En 1887, Emil Hug acheta donc la maison d’à côté, « zur Münsterhalde » (Grossmünsterplatz 7), et enfin, en 1899, le « Münsterburg » (Limmatquai 28), l’un des premiers immeubles locatifs de Zurich, où Hug Musique a toujours son siège principal. 

Emil Hug – « Papa Hug », comme on l’appelait avec déférence – s’engagea dans la vie musicale zurichoise et suisse ; c’était une des personnalités les plus influentes de Zurich, qui se mêlait des questions de politique musicale tout en continuant à développer son affaire. En 1907, lors du centenaire, celle-ci comptait 161 collaborateurs, succursales comprises. Les magasins et dépôts abritaient 3221 pianos et 990 harmoniums à vendre ou à louer. A sa mort, en 1909, Emil Hug laissait une affaire florissante. « Vivat, crescat, floreat », telle est la devise qu’il légua aux générations suivantes pour rappeler cette période de plein essor.

Des temps difficiles : Adolf Hug senior

Emil avait impliqué très tôt ses deux fils dans la gestion des affaires et en avait fait ses associés en 1893. Né en 1866, Arnold s’engagea passionnément dans l’entreprise, y introduisit des idées nouvelles, dirigea quelque temps la succursale de Leipzig, mais mourut déjà en 1905. Hans Langnese-Hug, gendre d’Emil, entra alors dans la société, qui porta désormais le nom de « Hug & Co. ». Mais c’est le second fils, Adolf Hug senior, né en 1867, qui eut la charge de la piloter à travers les décennies difficiles des deux guerres mondiales et de nombreuses crises économiques. Patron animé d’un esprit social, il y parvint sans licencier personne.

Un des problèmes était de réagir constamment aux dernières innovations techniques. Un appareil chassait l’autre. Au tournant du XXe siècle, le marché avait vu apparaître une foule de phonographes, gramophones, pianos mécaniques et automates, mais à partir de 1925 au plus tard, ils devinrent démodés et il fallut en faire son deuil. D’autres nouveaux médias prirent leur place, comme les postes radio, que Hug inscrivit naturellement d’emblée à son catalogue. En 1924 et 1926, Hug reçut par exemple l’ordre d’équiper les nouveaux studios radiophoniques de Zurich et de Bâle et de leur fournir gramophones et disques.

Ces nouveaux appareils prenaient une place immense – sans parler des pianos à queue et des harmoniums. A Zurich, Hug occupa donc longtemps une dépendance dans le complexe de bâtiments Wasserkirche / Helmhaus. Quand la ville réclama ces locaux pour son propre usage en 1930, Adolf Hug sen. put enfin acquérir le « Kramhof » à la Füsslistrasse 4, où il inaugura l’année suivante une nouvelle succursale, avec une division orgues et pianos, des appareils de haute fidélité et des disques. Ce magasin, qui abrita aussi quelque temps des studios d’enregistrement, des ateliers de réparation de pianos et une salle de concert, resta en service jusqu’en 1993.

Haute conjoncture : Adolf Hug junior

Peu avant sa mort, en 1943, Adolf Hug sen. remit la compagnie à son fils Adolf et à son neveu Hanns Wolfensberger. La situation était délicate. La Suisse était encerclée par les puissances de l’Axe. La succursale de Leipzig brûla complètement en décembre 1943, sous les bombes de la Royal Air Force, et fut condamnée à végéter jusqu’à sa fermeture, dans les années 1950. Il fallait changer de cap. Le directeur des éditions, Wolfensberger, y parvint en réduisant par exemple radicalement le répertoire. C’est en bonne partie grâce à lui que la compagnie put repartir vers le succès après la guerre.

Car des six directeurs successifs, Adolf Hug jun., né en 1904, était le musicien. Il s’était certes initié à fond au commerce de la musique, mais il avait aussi terminé à Leipzig des études de professeur de piano auprès de Max Pauer et s’était déjà produit en concert, notamment avec le compositeur et pianiste Kurt Herrmann, qui deviendrait l’un des principaux auteurs des Editions Hug. « Voué à diriger le magasin de musique, il abandonna à contrecœur ses projets chéris et suivit l’appel du devoir », note la chronique du jubilé de 1957.

L’essor économique d’après-guerre ramena la prospérité, mais exigea aussi des investissements. L’assortiment se renouvelait constamment. Il fallait en outre s’attaquer enfin aux rénovations indispensables. Les succursales furent transformées ou rénovées, les dernières étant les maisons mères du Limmatquai, la « Laterne » et le « Münsterburg », en 1958/59 ; le « Kramhof » subit même deux réfections.

Le statut de l’entreprise changea ; de société de personnes qu’elle était, elle devint société anonyme en 1973. « Hug Musique SA » regroupe désormais le commerce de détail et toutes les succursales. « Hug & Co. Zürich » continue d’exister en tant que société immobilière, à laquelle est rattachée une seule branche, la maison d’édition.

IAu cours des décennies, l’entreprise s’était constitué une collection d’instruments qui avait fini par être rassemblée dans un musée ouvert longtemps à la « Laterne ». En 1962, Adolf Hug jun. en fit cadeau à la ville de Zurich, avec l’obligation de l’ouvrir périodiquement au public. En contrepartie, le président de la ville, Emil Landolt, lui remit en 1966 la médaille. Hans-Georg-Nägeli, non seulement en remerciement de son généreux cadeau, mais aussi pour ses mérites dans la vie musicale de Zurich.

Présent et avenir : Erika Hug

Cette distinction marquait la fin d’une époque. En 1978, Adolf Hug jun., souffrant, quitta la direction des affaires. Il mourut à Zurich en août 1979. Sa fille Erika, née en 1945, lui succéda. Elle s’était déjà fait remarquer en 1973, quand son père avait envisagé de vendre la société et qu’elle avait décidé de faire tout son possible pour que cela ne soit pas nécessaire. La même année, elle était entrée au conseil d’administration. Un an après, elle prenait la direction de la réclame en Suisse, et en 1979 celle des éditions. En 1984, elle était déjà présidente de la direction, et en 1986 présidente du conseil d’administration.

C’est à elle qu’incomba de rebâtir la société de fond en comble et de prendre des décisions stratégiques pour l’armer en vue de l’avenir. De nouvelles formules de magasins furent expérimentées, comme la boutique de CD au « Shopville » de la gare de Zurich, qui existe depuis 1992, ou la « Giga Music Company », qui prospéra plus de dix ans à la Bahnhofstrasse. Il fallut par ailleurs réduire la voilure en période de récession.

Le rayon d’action fut développé de façon ciblée, par exemple en fondant en 1984 la filiale « Musica Nova AG », société d’importation et de gros chargée de mettre sur pied des représentations générales dans le domaine des instruments de musique et accessoires, et d’approvisionner des tiers. En 1988, une autre filiale, « Musica Viva AG », fut créée pour gérer l’assortiment de gros de tout le commerce suisse de musique imprimée.

En la personne de son mari, Eckard Harke-Hug, marchand de musique de formation et entrepreneur musical à succès de Detmold (D), Erika Hug trouva en 1989 un partenaire qui connaissait toutes les finesses du métier et qui s’engagea corps et âme au service de la maison. Leur fils Julian, de la septième génération, fréquente encore l’école pour le moment.

Il fallut aussi se doter d’une identité uniforme. Au début des années 1980, une nouvelle image de marque fut imposée à toutes les succursales. Les rénovations continuèrent. La plus visible fut la transformation complète de la maison-mère (Limmatquai 28 et 30, Grossmünsterplatz 7).. Un immense « mural » spectaculaire signalait ce chantier exceptionnel. C’est ainsi que naquit en 1993 « le plus grand établissement de musique d’Europe », avec plus de 1,7 million d’articles répartis sur 3’000 m2, dont 40’000 CD et des ateliers pour instruments à cordes et à vent. Une galerie Steinway y a été ouverte en 2003, une section harpe en 2006.

De 39 millions qu’il était en 1979, le chiffre d’affaires total a pu être constamment augmenté. L’une des raisons est que depuis 2003, la maison Jecklin, la deuxième de Suisse sur le marché des instruments, appartient au groupe Hug Musique, d’où l’acquisition de trois nouveaux magasins à Zurich et d’autres à Berne, Baden et au Glattzentrum, tous déjà appréciés par la clientèle.

A l’occasion des 175 ans de la maison, Erika Hug posa un jalon important pour l’avenir en créant la fondation « Enfant et Musique », qui définit de nouvelles orientations en matière d’éducation musicale. En 1993, la maison-mère vit donc s’ouvrir le premier magasin de musique pour enfants de Suisse, voire du monde entier, où les enfants trouvent une offre à leur portée et sont initiés de façon ludique aux différents instruments.

Magasin de musique et bibliothèque de prêt

En 1791, Nägeli avait entamé son activité en proposant de la musique imprimée, et ce domaine resta longtemps le cœur de l’entreprise, mis à part la maison d’édition. Comme la musique imprimée était encore rare et relativement chère, on l’offrait alors en prêt, à l’abonnement. Si cela nous paraît étrange aujourd’hui, c’était un système rentable, quoique peu lucratif à la longue. Il rapporta quand même quelques milliers de ducats zurichois à Nägeli, car son entreprise n’avait pas de concurrents jusqu’en Allemagne du Sud.

Le prêt de musique représenta donc une partie importante des affaires, y compris sous le pasteur Hug et ses successeurs. Il était géré par des agents locaux. Mais comme on pouvait aussi acheter les partitions, il perdit peu à peu de son importance. On conserva le système des abonnements jusque tard dans le XXe siècle, parce qu’on estimait plus important de ménager les clients. La bibliothèque de prêt finit quand même par disparaître en 1945.

La vente de partitions, elle, a toujours conservé sa place, et c’est grâce à elle que la maison Hug a acquis une éminente réputation. Vue d’aujourd’hui, la masse de ce que l’on pouvait autrefois se procurer chez Hug & Co. Frères est imposante, pour ne pas dire écrasante. Dans la seconde moitié du XIXe, la société publiait divers « Guides du répertoire musical avec indication du degré de difficulté » par instrument et groupe d’instruments. Celui de la harpe comptait 31 pages, celui du groupe mandoline, mandorle, etc., 160 pages, celui du piano était un véritable livre.

Les partitions allaient jusqu’en Amérique du Sud. « Notre maison de Leipzig veille par des envois quotidiens à procurer le plus rapidement possible les partitions non disponibles et commandées moyennant facture ferme », promet un prospectus de 1903. Ce choix gigantesque a toujours attiré au Limmatquai les musiciens illustres qui s’arrêtent à Zurich. Le magasin passait pour le dernier espoir quand quelque chose était réputé introuvable.

L’assortiment a certes été un peu réduit, mais la quantité reste impressionnante et exige des connaissances profondes de la part des collaborateurs et collaboratrices. Depuis 1985, les partitions sont disposées verticalement et en libre service sur les rayons, idée qu’Erika Hug a ramenée du Japon. De nos jours, évidemment, l’ordinateur joue un rôle essentiel dans ce commerce. La page d’accueil de Hug Musique permet d’accéder à plus de 300’000 titres, dont plus de 90’000 disponibles en stock.

La maison d’édition

Si Nägeli s’était contenté de vendre des partitions, il n’aurait sans doute pas connu de déboires financiers, mais son ambition le poussait à éditer, ce qui devait rester d’abord improductif. Il est néanmoins heureux qu’il ne s’en soit pas laissé dissuader, car sa maison d’édition, fondée en 1794, revêt une importance exceptionnelle, non seulement à cause de ses actions héroïques en faveur de la musique de Bach, mais aussi en ce qui concerne la production indigène. Les plus de 12’800 ouvrages édités au cours de 213 ans reflètent en effet l’évolution de la vie musicale suisse. Les Editions Hug ont donc accompagné l’histoire de la musique suisse jusqu’à en devenir partie intégrante. Elles ont aussi connu un retentissement international. Grâce aux succursales à l’étranger, et surtout à celle de Leipzig, qui gérait un assortiment considérable, la musique suisse est devenue produit d’exportation.

Ce mérite concerne d’abord la musique chorale, domaine dans lequel les Editions Hug jouèrent un rôle dépassant de loin les frontières nationales. C’est elles qui éditèrent en effet les premières collections de chansons et de chœurs, puis les chansonniers officiels de la Société fédérale de chant, fondée en 1842. Le répertoire était vaste et répandu loin à la ronde. Certaines chansons devinrent de véritables hits. A elle seule, l’édition à une voix de Noch sind die Tage der Rosen (Les jours des roses) de Wilhelm Baumgartner (1857) atteignit par exemple un tirage de 90’000 exemplaires jusqu’en 1907.

Dès les années 1900, ce catalogue de plus de 12’700 titres – toujours disponibles au Limmatquai – fut complété par des recueils de chansons populaires et de chansons enfantines comme Sang und Klang aus Appenzell (1898), Singstubete (1915) ou Canti popolari ticinesi (1917). Dans les années 1920, le mouvement naissant des fanfares et chœurs de jeunes renforça le goût de la musique et du chant. Les Editions Hug y participèrent dès le début. Les recueils de chants sont restés une part importante de l’activité jusqu’à nos jours. Il était donc logique d’arranger pour chœur des chansons pop ou celles de Mani Matter. A cela s’ajoutent les recueils de chansons enfantines, dont le plus célèbre est Chömed Chinde, mir wänd singe, qui a atteint des pics de vente inégalés après avoir été racheté à la maison Maggi.

Les Editions Hug se sont aussi engagées régulièrement en faveur de la production contemporaine d’origine suisse. Des compositeurs comme Hermann Suter lui ont confié presque l’entièreté de leur œuvre. Elles ont publié des pièces fameuses comme les symphonies de Hans Huber ou l’oratorio de Willy Burkhard Das Gesicht Jesajas (La Vision d’Esaïe). Hug a aussi soutenu dès ses débuts le plus important compositeur suisse alémanique de la première moitié du XXe siècle, Othmar Schoeck. En 1907, les Editions Hug annoncent déjà en bonne place les lieder de ce musicien de tout juste 21 ans.

En 1905, Emil Hug lança grâce à un don et avec le concours de l’Association des musiciens suisses la collection Edition nationale suisse, qui fit paraître des pièces importantes jusqu’en 1935. En 1974, cette forme de mécénat ressurgit avec la fondation, par Adolf Hug jun., à l’occasion de ses 70 ans, d’un fonds spécial destiné à encourager la production musicale suisse. La série ainsi inaugurée, Musique suisse du XXe siècle, a déjà publié plus d’une centaine d’œuvres de compositeurs tels que Robert Blum, Erich Schmid, Jacques Wildberger, Rudolf Kelterborn, Hans Ulrich Lehmann, Heinz Marti, Eric Gaudibert, Hans Wüthrich, Rolf Urs Ringger, Roland Moser et Edu Haubensak.

En 1976, la reprise de Foetisch Frères SA a enrichi le catalogue des Editions Hug d’œuvres romandes importantes comme les oratorios de Honegger Le Roi David et Nicolas de Flüe.

La maison d’édition a enfin accompagné la création musicale suisse en publiant les revues des associations musicales – parfois au prix de gros sacrifices financiers : à partir de 1876, l’Eidgenössisches Sängerblatt fondé en 1861, devenu peu après Schweizerische Musikzeitung und Sängerblatt, et scindé en deux revues à partir de 1937. Hug a publié le Sängerblatt jusqu’en 1977, la Revue musicale suisse jusqu’en 1982.

Un domaine d’activité essentiel a cependant toujours été l’enseignement de la musique, ce qui découlait presque obligatoirement de l’intérêt de Nägeli et du pasteur Hug pour les idées de Pestalozzi. Un grand nombre de méthodes importantes sont ainsi parues aux Editions Hug. Citons seulement la Violinschule de Ferdinand Küchler (1911), l’Anleitung für Gitarre und Ukulele de Hugo Fröhlin, la Schule für Panflöte du très populaire Simon Stanciu ou la New Vibraphone Method publiée en 1981 par un géant du jazz, Lionel Hampton, avec le concours de Jean-Claude Forestier.

Le numéro d’édition 10’000, attribué en 1955 à Spiel mit Tönen, honore le compositeur Kurt Herrmann, dont plusieurs œuvres étaient déjà parues aux Editions Hug. L’engagement de Rudolf Schoch, qui publia chez Hug son Kleiner Lehrgang für das Blockflötenspiel en 1933, eut même des conséquences politiques, puisque l’enseignement obligatoire de la flûte à bec fut introduit en 1947 dans les écoles primaires zurichoises, d’où l’occasion pour chaque enfant de s’initier à la musique.

Même ces ouvrages standard devaient cependant être complétés, voire renouvelés, car l’enseignement de la musique ne cesse d’innover. Les Editions Hug en ont tenu compte en élargissant leur offre. Ainsi, en 1979, elles ont repris l’éditeur zurichois Pelikan, avec sa marque de disques Pelca, et viennent de racheter quarante titres du Pan-Verlag. Une acquisition particulièrement importante a été celle de l’éditeur Conbrio, dont une partie du catalogue a été reprise par les Editions Hug en 1999. Cet éditeur s’était fait remarquer par des idées pédagogiques novatrices et convenait donc très bien au programme d’édition de Hug. La musique y est racontée de façon séduisante, l’initiation se fait par le jeu sans renoncer à être exigeante, on expérimente de nouvelles méthodes d’amener les enfants à la musique.

Le commerce des instruments

« Guitares italiennes authentiques », « cithares alpestres du Tyrol », « violons de Mirecourt et de Paris pour artistes et amateurs de talent », « pianos droits et à queue sous garantie » – la maison vanta très tôt ses instruments. Le pasteur Hug en faisait déjà le commerce, quoique modestement, mais Hug Frères offraient aussi de réparer les violons qui leur étaient apportés.

A la fin des années 1850, la demande explosa. Or Emil Hug aimait les instruments et développa ce secteur. En 1865 déjà, il nouait avec Steinway & Sons les contacts qui ont perduré jusqu’à nos jours, ce qui permet à Hug Musique de déclarer, dans sa publicité : « Nous avons autant d’expérience de Steinway que Steinway & Sons. » En 1999, Hug Musique a ouvert à Lausanne le premier « Steinway Hall » de Suisse (et le cinquième du monde), suivi en 2003 de la « Steinway Gallery » au siège de Zurich.

Le commerce de pianos droits et à queue occupe donc une place centrale et très stable. L’activité est extrêmement variée et va de la vente et de la location d’instruments à leur réfection. Ainsi, l’Erard de 1858 du musée Richard-Wagner à Tribschen a subi une restauration complète dans l’atelier de pianos Hug, de même que l’instrument utilisé par Serge Rachmaninov dans sa villa de Hertenstein près Weggis. Les accordeurs de Hug Musique s’activent dans toutes les grandes salles de concert de Suisse et ont déjà sauvé maint instrument ou concert littéralement à la dernière minute.

On peut en dire autant des ateliers pour les instruments à cordes, qui soignent les grands et petits accidents ou maladies. Là aussi, il y a parfois des urgences, comme quand il faut refaire la mèche d’un archet l’après-midi d’un concert à la Tonhalle. Une facette spectaculaire du métier est le travail sur les violons d’époque. Manipuler les instruments de grands luthiers exige beaucoup d’intuition et de connaissances techniques et historiques. Un beau Stradivarius est une rareté coûteuse, plus chère que le plus grand des pianos à queue de concert !

Hug Musique a soigné par exemple jusqu’à sa vente le Guarnerius, fabriqué à Crémone en 1742, qui appartenait à Yehudi Menuhin et était son instrument favori. En 1999, ce violon a changé de mains pour le prix le plus élevé jamais payé pour un violon de maître.

Avant même de vendre des instruments à cordes, Hug Musique s’était intéressé aux instruments à vent, grâce surtout à sa succursale de Bâle, qui en commença la fabrication en 1875. C’est qu’à Bâle, on était en contact étroit avec les fifres, tambours et « Guggenmusiken » du carnaval. Aujourd’hui encore, le magasin reste ouvert les jours de carnaval (Fasnacht) au cas où un piston ne fonctionnerait pas le jour de la diane (Morgestraich). Ici aussi, les ateliers de Hug Musique ont acquis une réputation éminente.

Ces dernières années, l’offre n’a cessé de se développer dans tous les secteurs, d’une part à cause des nouvelles musiques de divertissement, de l’autre grâce aux instruments électroniques. En 1947 déjà, Hug avait obtenu la représentation générale des orgues Hammond en Suisse. Les instruments électriques et électroniques ont depuis longtemps leur propre division, et l’évolution ne semble pas vouloir s’arrêter.

Nouveaux médias

Bien que Hug Musique se soit toujours engagé pour les formes traditionnelles de l’activité musicale et ait encouragé celles-ci de toutes les manières possibles, la maison a aussi reconnu d’emblée les derniers supports sonores et les appareils concomitants. Ainsi, au début du XXe siècle, le public appréciait de pouvoir s’enregistrer, mais ce goût passa rapidement de mode. Peu après 1900 apparurent les phonographes et gramophones, mais aussi les innombrables pianos mécaniques, dont la variété nous paraît étrange aujourd’hui. Le piano-orchestrion « Musica » ou la mandoline-piano-orchestrion « Geisha » se dressaient dans les restaurants et les salons d’hôtel, qu’ils arrosaient de musique automatique.

Le gramophone (Hug Musique organisa par la suite de véritables concerts de disques au « Kramhof » et dans ses succursales !) s’imposa définitivement vers 1930, mais il avait déjà trouvé un nouveau concurrent : la radio. Les postes radio prirent donc aussitôt leur place dans l’assortiment, de même que les téléviseurs, par la suite. Il fallait rester à jour, ce qui provoqua plusieurs transformations, par exemple au « Kramhof » de Zurich. La technique se développait à un rythme foudroyant.

La maison réagit aussi tout en souplesse lorsque le disque compact (CD) commença à conquérir le marché au début des années 1980. Le nouveau support était vilipendé par la corporation à cause de sa prétendue stérilité, mais Erika Hug s’en empara très tôt et le succès lui donna raison.

Entre-temps, la digitalisation du monde musical a apporté de nombreuses innovations : du système de jeu automatique haute définition SPIRIO de Steinway & Sons au seaboard de ROLI, un clavier MIDI avec des fonctions et possibilités de modulation fascinantes, en passant par les contrôleurs MIDI et les synthétiseurs. Hug Musique apporte des innovations intéressantes au monde musical, sans méconnaître la valeur inestimable des instruments de musique classiques.

Les succursales

Au milieu du XIXe siècle, Hug Frères employait des agents dans différentes villes ; ceux-ci fournissaient des partitions et des instruments à la clientèle, livraient leurs paquets aux abonnés du service de prêt et les reprenaient. A Lucerne, par exemple, le dépôt était tenu vers 1870 par le couple Auer, qui dirigeait un atelier de « corsets parisiens dernier cri ». On peut donc imaginer qu’une dame de la bonne société s’approvisionnait en musique de salon après un essayage, ou qu’elle achetait un corset en venant chercher son paquet d’abonnée.

A la longue, ce système s’avéra cependant compliqué et peu rentable, et les agences furent transformées progressivement en véritables succursales. La première vit le jour à Bâle en 1865, à la Freiestrasse 70, où elle est toujours domiciliée. Elle desservait la clientèle des mélomanes bâlois, mais prit aussi de l’importance en tant que pont vers la Suisse romande et l’Alsace. Sa division d’instruments à clavier historiques est devenue célèbre pour ses contacts étroits avec la Schola Cantorum Basiliensis, fondée en 1933 par Paul Sacher. En 2001, la maison bâloise de pianos Eckenstein AG a été reprise par Hug Musique.

La succursale de Saint-Gall – siège de la plus ancienne agence Hug – remonte également à 1865. C’est de là qu’on vendait partitions et instruments en Suisse orientale et en Allemagne méridionale. Occupé à partir de 1907, le bâtiment à l’angle Marktgasse / Spitalgasse a été complètement rénové en 1983/84 ; seules les façades sont restées intactes. De cette façon, l’établissement de musique le plus moderne de Suisse (à l’époque) ne dépare pas le visage de la vieille ville. Il s’agit de la première transformation conçue selon les nouvelles idées d’Erika Hug. Sur quatre étages, Hug Musique Saint-Gall offrait un assortiment considérable.

En 1874, Hug Musique ouvrit la succursale de Lucerne. L’affaire prospéra à vue d’œil, surtout à partir de 1938, année de fondation des Semaines internationales de musique de Lucerne, qui rassemblaient l’élite des musiciens sur les bords du lac des Quatre-Cantons. Des personnalités telles que Wilhelm Furtwängler, Beniamino Gigli ou Edwin Fischer fréquentaient ainsi le magasin. Depuis 1971, la succursale se trouve à un endroit central (Kapellplatz 5).

De Lucerne, les Frères Hug s’étendirent en 1887 à Lugano, où s’était développée une vie musicale digne de ce nom. L’affaire prospéra surtout sous la « dynastie » familiale de Mario et Alberto Vicari. Elle a été vendue en 1984.

La maison s’aventura aussi à l’étranger, en particulier sous le règne d’Emil Hug. Des succursales furent créées à Strasbourg, Constance, Lörrach et Feldkirch, mais surtout à Leipzig, la plus importante et la plus heureuse. Plusieurs d’entre elles furent fermées pendant la Grande Dépression. Ce chapitre de l’histoire de la maison Hug se termina avec la Deuxième Guerre mondiale et l’incendie de Leipzig.

Plusieurs autres succursales ont encore vu le jour entre-temps, mais une partie a déjà disparu. C’est une preuve de dynamisme et de vitalité qu’une entreprise tente des expériences, qu’elles réussissent ou non. Hug Musique a tenu très longtemps à Zurich-Aussersihl, Winterthour et Soleure. Certaines anciennes succursales en Suisse romande sont gérées aujourd’hui comme ateliers de pianos. A Lausanne, où Hug a repris en 1976 le magasin Foetisch Frères SA, le commerce des pianos est également au cœur de l’entreprise, avec le grand « Steinway Hall Suisse Romande ». A Genève, Hug Musique ne s’est installé qu’en 2000, en reprenant la célèbre maison de pianos Kneifel SA.